a nightmare dressed like a daydream ✥ Brad

Les yeux rivés sur mon ordinateur, la main en suspension devant mon clavier, je me mordais présentement les lèvres en signe de désespoir. Je n'avais pas écrit une seule ligne depuis près d'un mois et très sincèrement, j'avais peur d'avoir le syndrome de la page blanche. Pour ma défense, j'étais plutôt préoccupé dans ma vie de tous les jours, ce qui me laissait peu de temps pour l'écriture. Non, rectification. J'avais énormément de temps pour écrire, mon esprit était juste trop déconnecté pour être dans la capacité de pondre quelques phrases potables. Je ne savais même pas de quoi parlait les seules lignes que j'avais réussi à aligner sur mon écran. C'était totalement déprimant. Lâchant un soupir, je me suis donc levé de mon siège, ai fait les cent pas autour du bureau supportant mon matériel de travail, puis me suis dirigé vers la cuisine pour me faire un sandwich. Cette même cuisine vide où je mangeais régulièrement seul, Bradley finissant généralement de travailler très tard et restant après que ses dossiers ne soient clôturés pour prendre un verre avec ses collègues. Je n'avais point eu nouvelles de lui ce soir, je savais qu'il travaillait sur un dossier très important. Je ne savais alors pas si j'allais pouvoir apprécier ou non sa compagnie dans quelques instants. C'était souvent source de dispute entre nous, les soirées arrosées et le travail sans arrêt. Ainsi que ma paresse de quelques temps. Je savais fort bien que ce n'était pas aussi facile, que c'était beaucoup plus compliqué, mais quelques fois, je ne pouvais m'empêcher de me demander si nous n'étions pas déjà devenus comme ces vieux couples qui ne se voient que brièvement et s'ignorent. Ce que je trouvais charmant chez lui au début de notre relation, ses blagues idiotes et son caractère grand enfant, commençait à me taper sur les nerfs. Il n'y avait aucun doute que c'était également le cas pour Brad, qui devait me trouver trop castrateur à toujours ronchonner et à tenter de le responsabiliser. Mais malgré ses défauts, je savais que c'était l'homme de ma vie. Qui d'autre serait capable de supporter mon caractère et mes sautes d'humeur?

Une fois tout le nécessaire à la confection de mon sandwich sur le plan de travail de la cuisine, j'ai sorti un couteau avant de rager, entendant cogner contre la porte d'entrée. J'ai rapidement décidé de laisser couler, n'entendant personne à cette heure. De toute manière, je n'avais que très peu de connaissances connaissant mon adresse, si ce n'était quelques amis, mais je savais fort bien que ces derniers étaient occupés à cette heure de la journée. Quelques instants s'écoulèrent et pendant un moment, j'ai cru que l'intrus était parti, mais la sonnette retentissant dans mes oreilles me fit comprendre le contraire. Apparemment, la personne en question n'était pas prête à quitter le pas de ma porte. C'est donc en levant les deux yeux au plafond et sans aucune presse que je me suis dirigé vers la porte avant de l'ouvrir, un air interrogateur au visage. Devant moi se trouvait un couple d'une soixantaine d'années, qui souriait bêtement. Ils avaient l'air tout aussi surpris que moi en me voyant ouvrir la porte d'entrée. C'était pourtant chez moi, pourquoi ils étaient surpris? Peut-être parce que j'étais à peine habillé d'un boxer et d'un tee-shirt. Et qui étaient-ils? Après un silence gêné qui pris quelques secondes à se dissiper, la dame demanda d'un air peu certain si c'était bien la demeure de Bradley Whitman. Je l'ai jaugé du regard un instant et j'ai répondu, sans aucun entrain. - Ça dépend qui le demande. - Précis, poli. Un peu sec, mais je ne les connais pas alors ça ne me fit ni chaud ni froid de la froisser ou non. C'était presque un oui, mais je préférais demander avant de leur ouvrir grand la porte ou bien leur dire qu'il était présentement au travail. C'était plus une question de prudence que d'irrespect. Je savais que Bradley travaillait quelques fois sur des cas difficiles et je n'avais pas envie de trop en dévoiler sans savoir s'il s'agissait de clients mécontents. - Si c'est pour vendre quelque chose, on est pas intéressés. - La petite dame n'eut pas le temps de répondre. La voiture de Bradley venait tout juste d'entrée dans la cours. J'attendis alors les bras croisés sur ma poitrine, intrigué de savoir de qui il s'agissait.

Tu te demandes ce qu'il fait, comment s'est passée sa journée, ce qu'il peut bien manger. Toi tu es coincé à cette table avec un client pas commode. Son fils est accusé de meurtre, les preuves sont irréfutables et l'idiot a fait le malin lors de son arrestation et de son interrogatoire. Tu es arrivé au bon moment lui évitant de raconter de trop d'âneries, mais tu n'as pas pu éviter l'inculpation et voilà que son père est assis en face de toi ce soir. Bien entendu cette famille est plutôt malhonnête. Tu as déjà défendu le père pour des affaires de blanchiment d'argent. Tu sais exactement dans quoi il trempe et tu sais qu'il n'a pas besoin de toi pour gérer les cadavres qu'il laisse dernière lui. Son fils par contre est moins prudent et manque cruellement de cervelle.

« Vous pensez que c'est une bonne idée de menacer votre avocat ? »

« Non, ce n'est pas une menace voyons maitre. Vous pensez bien que je n'irais pas me débarrasser d'un élément aussi compétent que vous….vous êtes toujours compétent n'est-ce pas ? »

« Cela va s'en dire, ne vous ai-je pas toujours sortir d'affaires ? »

« En effet, jusque-là vous avez été plus qu'utile, j'ose espérer que cela continue. »

« Dans cette affaire je n'ai pas dit mon dernier mot, vous savez ce qui vous reste à faire. Je m'occupe du reste. »

« Bien, nous sommes d'accord. »

Tu as acquiescé en gardant un visage souriant. Tu ne veux pas montrer le moindre signe de peur. L'affaire est délicate, mais le plan est parfait. Il suffit de falsifier les preuves, trouver un bouc émissaire et disculper le coupable. Tu sauras plaider la cause, tu comptes sur ton client pour graisser les pattes qu'il faut et remanier les preuves à votre avantage. S'il fait sa part du travail, tu feras la tienne. Tu mets fin à ce dîner par une poignée de main. Tu te languis de rentrer et rapidement oublier cette journée, cette affaire et toutes les autres. Tu n'as pas eu le temps d'envoyer un seul message à ton mari. Tu t'en veux d'être aussi laxiste. Il mérite mieux que toi et ton attitude désinvolte. Tu l'aimes pourtant, plus que tout. C'est avec lui ce soir que tu veux être. C'est toujours à ces côtés que tu voudrais être. Cependant tu as tes obligations, tes responsabilités et celles-ci passe toujours avant lui. Tu sais pertinemment que cela risque de cause la perte de votre couple. Seulement, tu ne sais pas comment faire autrement.

En te garant dans l'allée de l'appartement, tu as blanchi en voyant tes parents sur le pas de la porte. Tu réalises qu'ils t'avaient averti de leur arrivée. Tu as oublié que c'était aujourd'hui. Tu n'as même pas averti Joel. Tu le vois en boxer et en t-shirt faire face à tes parents interloqués. Décidément cette journée est un véritable cauchemar. Tu n'as jamais avoué à ta famille que tu t'étais remarié et encore moins avec un homme. Tu sais que ton père serait capable de te rayer du testament. Ce n'est pas pour l'héritage qu'il y a que tu t'inquiètes mais surtout pour ta mère. Elle ne pourrait pas comprendre tes choix. Tu regards ton alliance en serrant les dents. Tu vas devoir mentir, encore. Après tout c'est ton métier. Cependant est-ce que Joel pourra te pardonner ce que tu t'apprêtes à faire. Tu espères qu'il comprendra. Tu as ôté ton alliance que tu as mis dans ta poche. A la place tu as mis ta chevalière pour cacher la trace à ton doigt et tu es sorti.

« Papa ! Maman ! Je suis désolé, je viens juste de terminer un diner d'affaire important. Vous avez déjà fait la rencontre de Joel.»

« Est-ce qu'il fait chez toi ? Mon chéri, ne me dit pas que…. »

Ta mère te lance un regard inquiet. Tu as bien vu ton père te détailler de haut en bas. Tu es persuadé qu'ils ne comprendraient pas si jamais tu leur avouais qui est réellement ce bel homme en boxer. Tu mimes un rire amusé en tapant l'épaule de Joel. Tu sais pertinemment qu'il va t'en vouloir pour ce que tu t'apprêtes à dire. Tu es certain que tu vas passer plusieurs heures à t'excuser. Tu n'as pas ouvert la bouche que tu t'en veux déjà. Tu as d'ailleurs évité son regard pour regarder ta mère avec un large sourire.

« Oh Maman non. C'est un ami, je lui ai proposé de l'héberger. Il a quelques soucis de couple, tu vois ce que je veux dire…Mais ne restons pas là. Entrez. »

Ta mère a l'air soulagé alors que ton père est resté indifférent. Tu invites tes parents à rentrer, leur assurant que tu t'occupes des valises. Tu leur indiques la cuisine d'un signe de la main. Dès que tu es seul avec Joel. Tu lui lances un regard désolé. Tu ne l'as pas prévu de l'arrivée de tes parents. Tu sais bien pourquoi ils sont venus. Ils habitent à plusieurs heures de Londres et t'ont demandé, il y a quelques mois, de les héberger pour la nuit. Ils sont venus voir une comédie musicale et ne voulait pas faire le trajet retour de nuit.

« Je suis désolé mon lapin de ne pas t'avoir prévenu…Ça m'est complètement sorti de la tête. Je te promets que je saurais me faire pardonner. »

Tu as esquissé un sourire charmeur en lui effleurant la main. Tu es le pire des maris. Tu en as conscience et pourtant tu espères qu'il va comprendre. Tu as trop vu la peine dans son regard. Tu as peur qu'un jour ce soit la fois de trop. Pour essayer de le faire sourire, tu pouffes de rire en ajoutant.

« Au moins ma mère n'a pas fait une attaque en te voyant dans cette tenue. »